Déclaration de la CGT-Culture au Comité Social d’Administration Ministériel du 16 juillet 2025
Cette déclaration s’adresse à la ministre, bien que pour la seconde fois, sur re-convocation du Comité Social d’Administration ministériel, elle n’est pas venue présenter elle-même son projet de réorganisation.
A peine nommée ministre de la Culture, souhaitant à tout prix imprimer votre marque, vous engagez une énième réorganisation de l’administration centrale alors que les effets de la précédente restructuration n’ont pas été digérés ni même analysés. A l’origine de cette décision, vous envisagiez y compris une « réforme effective à l’automne 2024 ». Les circonstances politiques du moment ont eu raison de votre impatience.
Preuve en est que la précipitation est le contraire de la réflexion ! Il aura fallu toute la ténacité et l’expérience des organisations syndicales pour agir positivement, d’abord sur le calendrier initial, ensuite sur la trajectoire amorcée.
Le calendrier initial du projet faisait peu de cas des conséquences sur les conditions de travail des personnels. La trajectoire amorcée n’avait même pas pris le soin d’appliquer les politiques ministérielles de prévention des risques que le ministère s’est lui-même assignées : en l’occurrence, la mise en œuvre de la méthode de travail tirée du guide d’aide à l’évaluation des impacts de décembre 2023.
La coordination et la gouvernance de l’enseignement supérieur Culture est sans aucun doute perfectible, comme pour toute politique publique. Mais répondre avec justesse aux multiples enjeux contemporains, comme faciliter l’insertion professionnelle des étudiants, exige de traiter avec le plus grand soin le lien avec les politiques métiers. Nous avons immédiatement alerté sur cette crainte, qui reste entière.
Quoi qu’il advienne, cette réforme pêche par l’absence d’une vision claire et partagée par tous les acteurs sur le rôle et la place de l’enseignement supérieur au sein d’un ministère de la Culture ainsi que sur ceux de la recherche en matière culturelle. On ne saurait s’efforcer de comprendre et de tenir compte des nouveaux usages, des mutations profondes de la société, et de l’éclosion de nouveaux droits, sans se donner les moyens d’une politique de recherche et d’innovation sans cesse réinterrogée.
Nous ne cesserons pas de vous dire qu’au lieu de s’enferrer dans un jeu de mécano administratif, les revendications les plus urgentes des écoles nationales supérieures d’art et d’architecture portent d’abord sur leurs moyens de fonctionnement :
- Revitalisation des corps de professeurs titulaires,
- Revalorisation des rémunérations et carrières des personnels administratifs et enseignants,
- Amélioration des conditions de travail et santé et services aux étudiants.
Il ne faudrait pas que cette restructuration des services centraux ajourne les réponses à apporter aux préoccupations quotidiennes des écoles.
Ce nouveau mécano administratif ne sera pas sans conséquences sur le sens et l’exercice des missions des directions d’administration centrale, ébranlées par une réforme qui n’a pas suffisamment été pensée en amont dans sa globalité.
Si le rattachement de l’architecture à la direction générale des patrimoines (DGPA) en 2021 a constitué une avancée incontestable, nous vous alertons sur les nouveaux déséquilibres induits par le déplacement mécanique de deux sous-directions. Cette manière de reconsidérer en creux les missions des directions métiers viendra donc percuter les missions de la DGPA comme celle de la direction générale de la création artistique (DGCA) ; direction dont il faut préserver le rôle fondamental s’agissant de la défense de la liberté de création, et de l’émergence de la jeune création dans un écosystème ouvert, innovant et poreux.
En l’occurrence, l’examen attentif du décret relatif aux missions et à l’organisation de l’administration centrale du ministère de la culture fait apparaitre une contradiction majeure dans la répartition des prérogatives entre les directions générales et le secrétariat général.
La réforme prétend unifier le pilotage de l’enseignement supérieur au sein d’une nouvelle direction générale en lui conférant la responsabilité du programme 361. Or, le projet de décret donne systématiquement une prévalence au secrétariat général dans le pilotage et le contrôle des missions comme des postes budgétaires normalement dévolus aux directions métiers. L’emploi répété du verbe « contribuer » en lieu et place du verbe « piloter » positionne les directions métiers en retrait sur la maitrise de leur propre programme budgétaire.
Puisque vous souhaitez clarifier la gouvernance, c’est le moment de vous rappeler que la logique exige qu’à une direction corresponde un programme budgétaire et par conséquent un responsable de programme pleinement en pilotage de ses moyens. La DGDCER n’a-t-elle pas vocation à devenir elle aussi « autorité d’emplois » ?
Dans ce paysage flou et incertain, il faut reconnaitre qu’élever la démocratie culturelle au rang de direction générale constitue un progrès qui doit faire date dans l’histoire du ministère. Après ce que nous avions arraché en 2020 en incluant le concept dans la DG2TDC, nous sommes plus que jamais aujourd’hui les militants déterminés de cette ambition à incarner et construire. Il reste en effet beaucoup à faire pour parvenir à la participation effective de toutes et de tous à la vie culturelle, et faire vivre les droits culturels. Nous n’avons pas ménagé nos efforts pour que la démocratie culturelle constitue le fondement d’un logiciel renouvelé. Nous en ferons de même pour que les droits culturels structurent et irriguent les politiques culturelles ainsi que l’action du ministère et de ses partenaires.
Mais ce qui est dans tous les esprits lorsqu’on évoque cet énième temps de réorganisation de l’administration du ministère, c’est d’abord le poids et le caractère impératif de la décision politique – la vôtre, Madame la ministre – mais surtout le choc de la méthode. Dans le calendrier et la forme imposés, il y a une forme particulière de brutalisation du dialogue social qui dégrade la concertation et in fine le respect et l’attention accordés aux agents.
Combien d’efforts les élus et représentants des personnels auront-ils dû déployer, dans un calendrier intenable, pour entrouvrir la porte de discussions pourtant déterminantes quant aux conséquences sociales de la réforme ? Pourquoi cet entêtement à agir si vite au mépris de la richesse des métiers et des missions de ce ministère et de l’immense réservoir de savoirs et de compétences qu’il détient ? Car nous le savons d’expérience et vous le savez également : il n’y a pas de changement réussi sans concertation approfondie ni capacité à appréhender jusque dans les détails le sens et l’articulation du travail ainsi que la complétude de processus et de réglages organisationnels très fins.
Vous avez voulu aller vite, le plus vite possible, pour vite passer à autre chose. Mais aujourd’hui encore, en ce qui concerne les conditions de travail et les mesures de protection nécessaires prévues par les textes, rien n’est réglé. Tout est encore à construire. Nous y reviendrons dans la discussion.
On évoquera l’étude d’impact, le plan d’action ou encore la circulaire d’accompagnement social de cette réorganisation. Nous parlerons aussi de la mise en œuvre concrète dans le travail réel des services et de ce que cela exige encore de travail et de préparation pour ne pas envoyer tout un collectif de travail dans le mur des risques psycho-sociaux.
Nombre de questions restent entières. D’ailleurs, pressée par le temps et le télescopage des agendas, n’avez-vous pas imaginé des concepts aussi originaux que retors : celui de la « préfiguration a posteriori « ou encore du « processus itératif dans le temps » ?
Cela pourrait prêter à rire, sauf à considérer que ce sont bel et bien les personnels qui, pendant de longs mois, feront les frais de ces méthodes qui ne devraient pourtant plus avoir cours dans une démocratie sociale moderne.
Pour en terminer avec ce propos liminaire, nous confirmons que la CGT va se livrer aujourd’hui à l’exercice des amendements au projet de décret. Elle le fera dans le seul but de contribuer à un texte le plus clair et le plus lisible possible pour les services. Cependant, elle se prononcera contre ce texte engagé par le ministère sur une trajectoire hasardeuse et mettant de ce fait en danger toutes et tous nos collègues.
Paris, le 16 juillet 2025