Archéologie : communiqué de presse de l’intersyndicale SGPA-CGT / FSU Culture / SUD Culture / CNT

Mardi 10 juin 2025

Grève et manifestation de l’ensemble de la communauté des archéologues le 12 juin à Paris pour défendre la discipline et le dispositif d’archéologie préventive (Service Régionaux d’Archéologie (SRA), Institut National d’Archéologie Préventive (Inrap), collectivités territoriales, opérateurs privés, universités, étudiants, associations, collectifs, chercheurs…)

Résumé : La France est dotée d’un dispositif unique au monde de détection et de conservation par l’étude de son patrimoine archéologique. Or celui-ci est actuellement violemment remis en cause par le projet de loi « Simplification de la vie économique » en débat à l’Assemblée Nationale. Ce projet contient des dispositions (Art. 15 bis C) qui empêcherait toute détection du patrimoine archéologique avant de grands travaux. Parallèlement, le manque de financement chronique, dû au reversement partiel de la taxe d’archéologie préventive aux opérateurs publics depuis plusieurs années, couplé à une volonté de réduction brutale des missions de service public menace à très court terme tout le dispositif et toute la discipline. De plus, les baisses de budgets au Ministère de la Culture et au Ministère de la Recherche impactent la recherche et la formation universitaire en archéologie. C’est toute une discipline et une communauté qui est en danger.

De la « simplification de la vie économique » à la destruction du patrimoine

L’article 15bis, issu d’un amendement de quatre députés Horizons en mars 2025, vise à élargir les types de projets éligibles à la qualification de « projet d’intérêt national majeur » et à les exempter de toutes études d’impact y compris en matière de patrimoine archéologique. Or, sans archéologie préventive, pas de fouilles et donc pas de découvertes majeures : pas de prince de Lavau, de palais des rois wisigoths à Toulouse, de nécropoles de l’âge du Fer sous le contournement de Strasbourg, de découvertes de sarcophages à Notre-Dame de Paris… Cet amendement, s’il était confirmé par le vote à l’Assemblée Nationale à la mi-juin, permettrait la destruction de notre patrimoine et amputerait l’archéologie préventive d’une grande part de son activité.

Un manque de financement artificiel en archéologie préventive

Les taxes et redevances d’archéologie préventive (TAP et RAP) permettent de collecter plus de 160 millions d’euros par an (191 millions en 2023). Or, plus de 30 % des revenus de cette taxe échappent aux services publics de l’archéologie et partent dans le budget général de l’État. L’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), opérateur principal pour les diagnostics archéologiques, subit un manque de financement chronique pour ses missions de service public (diagnostics et activités de recherche) alors que parallèlement le niveau d’activité n’a cessé de croître depuis 2019. 

La situation s’est aggravée au début de l’année 2025 avec le choix d’une baisse de 30% des moyens humains sur les missions de service public et l’augmentation déraisonnable du prix des fouilles, amenant l’établissement artificiellement au bord du gouffre. En conséquence, les aménageurs (publics, privés et particuliers) subissent des délais d’attente de plus en plus longs ; les agents, privés d’activités localement, sont envoyés en déplacements loin de chez eux et les moyens alloués à la recherche, c’est-à-dire à l’exploitation scientifique et à la valorisation des découvertes, sont largement amputés. Tout cela alors que la taxe suffit à financer la totalité des missions.

La remise en cause de la protection du patrimoine archéologique par le Ministère

Dans ce contexte de sous-financement délibéré, la protection du patrimoine archéologique même est remise en cause. La loi de 2001 établit que l’archéologie préventive « a pour objet d’assurer […] la détection, la conservation ou la sauvegarde par l’étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles de l’être par les travaux publics ou privés concourant à l’aménagement. Elle a également pour objet l’interprétation et la diffusion des résultats obtenus ». Or, faute d’attribuer les budgets alloués à la détection (le diagnostic archéologique), les directions de l’Inrap et de la Sous-Direction de l’archéologie du Ministère de la Culture s’attaquent à l’esprit de la loi. La conservation du patrimoine ne serait plus l’objectif premier, il faudrait préparer la privatisation du secteur en augmentant sa rentabilité.

Pour cela, la Sous-direction a émis diverses « notes de cadrages » depuis le début d’année visant à augmenter le « taux de conversion », c’est-à-dire le nombre de diagnostics donnant lieu à une fouille, en interdisant les prescriptions de diagnostics sur de grandes surfaces pour certains types d’aménagements ou encore sur des zones non déjà documentées par l’archéologie. En somme, il ne faudrait prescrire un diagnostic archéologique que là où les sites sont déjà connus !

En fait, l’objectif est de faire baisser le nombre de diagnostic d’environ 30% pour le faire coïncider avec la baisse des moyens dédiés aux missions de services publics, tout en ménageant certains lobbys ennuyés par l’intervention des archéologues. Les objectifs scientifiques d’interprétation et de diffusion des connaissances sont peu à peu abandonnés alors même que l’archéologie est toujours plus populaire, comme le montre la fréquentation des Journées Européennes de l’Archéologie (les 13-14-15 juin prochain) : plus de 220 000 visiteurs en 2024.

Des missions en moins qui engendre une catastrophe sociale en chaîne

À l’Inrap, près de 400 personnes sont régulièrement en contrat à durée déterminée pour assurer les missions habituelles. Cette année, l’absence de moyens humains a mis ces CDD au chômage, dessinant un plan social qui ne dit pas son nom. La situation n’est pas meilleure dans les services régionaux d’archéologie où les concours de recrutements annoncés ont purement et simplement été annulés. Dans le même temps, les départs en retraite s’accélèrent et des pans entiers de savoir-faire et de compétences scientifiques disparaissent.

La diminution brutale des diagnostics va rapidement engendrer une diminution des fouilles, ce qui menace l’équilibre financier du secteur : des services de collectivités territoriales risquent de réduire leur effectif, certaines sociétés privées pourraient disparaître et les filières de formation universitaires, déjà fragilisées, pourraient fermer.

Des budgets en baisses à la Culture

Le ministère de la Culture a perdu 234 millions d’euros par rapport au budget 2024. 200 millions ont été pris sur le budget du Pôle Patrimoine, impactant fortement les services déconcentrés du ministère en région. Les services régionaux de l’Archéologie (SRA) se trouvent ainsi privés de 20% à 34% de leur budget, conduisant à la suppression de nombreux chantiers de fouilles programmées, pourtant essentiels à la formation des étudiants et à la recherche. Les aides à la valorisation des découvertes sont également réduites.

Signez la pétition Sauvons le patrimoine archéologique !
https://www.change.org/p/sauvons-le-patrimoine-arch%C3%A9ologique