A Fontainebleau ça sent le gaz dans la galerie François 1er

Nous, à la CGT, on tient d’abord à dire qu’on aime bien le Qatar, Etat gazier bien connu pour son implication dans le mieux disant social et la promotion de conditions de travail dignes et émancipatrices pour les travailleurs. En plus quand la famille régnante et l’émirat daignent investir leur argent durement gagné en France à la plus grande joie des amateurs de foot (club de foot du PSG : 50 millions), des touristes fortunés dont nous avons tant besoin (Le Grand Hôtel à Opéra : 330 millions d’euros) et des amoureux du patrimoine immobilier (l’hôtel de Coislin : 230 millions d’euros, Hôtel de la Marine : 20 millions d’euros …etc.).   et bien nous on dit bravo, parce que, c’est bien connu, l’argent ça ruisselle, bon… même si nous on reste à sec.

Même le discret et provincial château de Fontainebleau a eu sa part du gâteau ; oh ! Ce n’est pas grand-chose, c’est à peine 1 petit million d’euros (800 000 € précisément) pour contribuer à la restauration du fameux escalier en Fer-à-cheval – pour le reste ce sera par souscription publique. Grâce au million d’euros, la famille régnante Al Thani a le droit d’exposer pendant 1 mois sa collection personnelle dans la salle de bal du château – joyau de la Renaissance maniériste – modeste écrin pour une si riche collection mise à la portée des yeux reconnaissants du quidam et du tiers-état. Grâce au million d’euros, la famille régnante a le droit de s’offrir un bon repas au château, c’est la moindre des choses avouons le. Ça tombe bien parce qu’au château de Fontainebleau on sait recevoir, avec la mise à disposition d’espaces de prestige pour les grandes occasions – la galerie des Cerfs datant d’Henri IV ou la salle des Colonnes. Mais à l’évidence la famille régnante a une autre idée sur la façon de recevoir ses invités, car ces espaces ne sont pas à son goût, question d’étiquette sûrement, car question prix il n’y a pas débat, la générosité du Prince le dispensant d’acquitter la location, contrepartie de mécénat oblige. Non il fallait autre chose, à la hauteur de la famille régnante du Qatar : la galerie François 1er évidemment, plus en accord avec le titre de l’exposition : « Rois du monde » ! La galerie François 1er, chef d’œuvre de la Renaissance française, matrice de la galerie royale en Europe ? Oui tout à fait. Et bien voilà il suffisait d’y penser, c’était là sous nos yeux.

Il y a juste un petit problème, c’est vrai, c’est un détail : la galerie François 1er c’est un espace ouvert au public ; le public, ce sont les gens qui paient pour visiter. Il y a bien un jour de fermeture le mardi, mais la famille régnante ne veut pas le mardi. Alors ce sera ce lundi 17 septembre et comme il faut tout préparer en journée, le public qui aura payé (le droit d’entrée de 12 € ne sera pas réduit) il ne pourra pas voir la galerie – pièce emblématique du château – y compris les écoliers et leurs professeurs qui seront particulièrement nombreux ce jour-là, pour étudier et découvrir la Renaissance française. C’est pas de chance, c’est à cause du jour de fermeture qui est mal placé et parce que comme le château est un service public il accueille des élèves, mais pour eux, ne nous en faisons pas, ils sont jeunes, ils reviendront une autre fois et ils ne payent même pas, alors…

En plus on a une bonne nouvelle à vous annoncer : le dîner et la soirée coûteraient au bas mot 1 million d’euros (!) et comme la famille régnante semble aussi attentionnée que Louis XIV, sans doute nous permettra-t-elle, comme Louis le Grand en son temps, de ramasser les reliefs du festin que nous irons revendre à la grille du château et avec l’argent recueilli, on pourra compléter la souscription pour la restauration de l’escalier. On a un seul regret, c’est que le dîner n’ait pas pu avoir lieu la veille, lors des journées du patrimoine parce que le beau thème choisi cette année, il tombait pile poil : « L’art du partage ».

Paris, le 13 septembre 2018