Le programme « Action Publique 2022 », c’est la technostructure à l’œuvre… et le travail et la démocratie en souffrance !

Bien avant la communication politique du Premier ministre le 13 octobre dernier, les escadrons de la technostructure, tels des petits soldats impériaux, se sont déployés avec zèle dans les hautes sphères de l’État pour une nouvelle attaque ; c’est le programme « Action publique 2022 ». Cette technostructure met en place ses propres règles de gouvernement de plus en plus éloignées de l’intérêt général et de la satisfaction des besoins sociaux et culturels, en réponse aux injonctions du patronat et plus que jamais au mépris des règles de la démocratie ; les personnels ne se retrouvent pas dans ce maelström de « réformes » où la perte de sens est entretenue. Du reste, il n’y est jamais question du travail des agents ! L’inspiration de ce programme est à chercher dans les œuvres du Medef et plus précisément dans un document intitulé « France-2020.com ». Ce tract décrit la machine « AP 2022 », telle que conçue par la technostructure.

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Le secrétaire général du ministère à la manœuvre…

Dans une lettre datée du 27 septembre 2017 émanant des services du Premier ministre et du ministère de l’action publique et des comptes publics, le rôle du secrétaire général de chaque ministère est précisé dans l’arsenal de « transformation » (Forum Action Publique, contribution des ministères, Comité d’Action Publique 2022 et chantiers transversaux). Cependant, c’est bien chaque ministre qui doit décliner un « plan de transformation » d’ici mai 2018 en cohérence avec sa feuille de route et sa lettre plafond (le budget du ministère), transmises par le Premier ministre en août dernier à la ministre.

Sur ce programme politique, le Medef n’est pas en reste, comme on peut l’imaginer. Voilà ce qu’on peut lire dans France-2020:

« La baisse de la dépense publique est désormais la « mère de toutes les batailles » si on veut redresser notre pays et retrouver la croissance… »

« L’objectif de notre pays doit être de stabiliser les dépenses publiques pour atteindre un ratio de 50 % en 2020… ». Pour atteindre cet objectif, notre pays dispose de plusieurs leviers :

Tout d’abord l’alliance entre les sphères publique et privée. Plusieurs missions de service public sont déjà accomplies par des acteurs de statut privé (santé, école, voirie, “utilities”…). L’enjeu de l’efficacité des services publics concerne donc à la fois les sphères publiques et privée.

Puis la transformation numérique de la sphère publique. La modernisation de l’État et des administrations publiques passe par l’informatisation mise en place par les entreprises. Le numérique devient ainsi un outil au service de la simplification administrative et de la réduction du coût des politiques publiques.

La ministre à l’enrobage

Ce plan de transformation repose sur des travaux :

de la revue des missions et de la dépense publique réalisées par la ministre ;

des travaux réalisés par le Comité d’Action publique 2022 ;

des cinq chantiers transversaux qui sont :

1simplification administrative et amélioration de la qualité de services

Le Premier ministre a demandé par lettre à chaque ministre le 12 janvier 2018 de veiller à ce que chaque directeur d’administration centrale définisse, sous son autorité, un plan de simplification du droit et des procédures en vigueur relevant de son champ de compétence afin d’alléger la charge administrative pesant sur les entreprises présentes en France et dont le coût est estimé à 60 milliards d’euros par an. Ces plans seront documentés par des évaluations chiffrées des impacts attendus afin de permettre la mesure les résultats obtenus.

La direction interministérielle de la transformation publique (ex SGMAP) assurera le suivi et la coordination de ces actions. A partir d’avril 2018, chaque projet de loi sectoriel devrait comporter un volet de mesures de simplifications des normes législatives en vigueur. A titre d’exemple, le projet de loi ELAN propose de raboter les prérogatives des Architectes des Bâtiments de France ; Mais la ministre n’a pas jugé utile de le mettre en débat au CT ministériel du 4 décembre. Quant au projet de loi « pour un État au service d’une société de confiance », vous devez lire cette expression de l’Union Fédérale des Syndicats de l’État : http://ufsecgt.fr/spip.php?article6402

2transformation numérique ;

Cette question doit être abordée sous l’angle de l’amélioration des conditions de travail et du service aux usagers de manière concomitante. Or, ce chantier ne fait l’objet d’aucun dialogue alors que la question des nouvelles technologies relève de la compétence du comité technique comme du CHSCT. Cette conception archaïque de la démocratie sociale aurait besoin d’être transformée ! Et puisque Françoise Nyssen ne manque pas une occasion d’évoquer la question de l’amélioration des conditions de travail, nous avons demandé que l’administration présente et mette en débat au CHSCT ministériel du 11 avril prochain son projet ministériel de transition numérique et la manière dont il agit positivement sur les conditions de travail.

La transition numérique ne peut être l’alpha et l’oméga des politiques publiques culturelles et de leur renouvellement. En revanche, elle nécessite aussi un dialogue dans les services avec les personnels si l’amélioration des conditions de travail est une priorité dans ce ministère

3rénovation du cadre RH ;

Ce chantier est conçu comme étant la boîte à outils d’Action Publique 2022 et fera l’objet d’une communication propre de part son ampleur. Il ne vise en réalité qu’à vider l’administration centrale de ses compétences pour les transférer aux établissements sous couvert de mobilité et responsabilité ; en tout cas le projet est aux antipodes de l’égalité de traitement et de l’amélioration des parcours professionnels.

4organisation territoriale des services publics ;

Nous détaillons pour cette thématique le cadrage méthodologique imposé par « Action publique 2022 ». Chaque ministère doit produire une contribution synthétique sur chacun des cinq axes suivants pour le 1er décembre 2017 :

l’approfondissement de la déconcentration ;

le recentrage de l’État sur ses missions ;

le développement de l’interministérialité ;

la poursuite de la meilleure articulation entre les différents niveaux d’administration ;

l’amélioration de la qualité de service de proximité au profit des usagers.

Pour chacun de ces cinq axes, seront passés en revue les trois volets suivants :

l’analyse de l’existant ;

l’identification des principales difficultés rencontrées et les améliorations attendues ;

les propositions d’évolution souhaitées assorties des conditions juridiques, financières ou pratiques nécessaires à leur réalisation.

Alors que l’inspection sur les DRAC n’est pas achevée, le secrétaire général en ajoute une couche. Si la déconcentration est une question essentielle pour un État démocratique doté de services publics, elle doit être interrogée sous l’angle des missions et de la satisfaction des besoins et non des seuls crédits budgétaires.

Et que dit le Medef sur le sujet …. :  « recentrer l’État sur ses missions régaliennes et stratégiques » !

5modernisation de la gestion budgétaire et comptable ;

Alors que la nouvelle gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) vient d’être mise en œuvre dans tous les établissements après de longues années d’efforts par les personnels des établissements, et comme si cela ne suffisait pas, il est prévu de moderniser la gestion publique des services financiers et comptables au travers le prisme des suppressions d’emplois et bien loin des considérations d’intérêt général et de bonne gestion publique. Avec la raréfaction des crédits budgétaires, la généralisation du recours aux ressources propres et à l’emprunt bancaire est un risque financier majeur pour les établissements et les personnels et donc le service public. La coopération des services budgétaire et comptable est nécessaire pour éviter les dérives et dérapages financiers mais aussi une forme de privatisations des établissements. Nous y reviendrons dans un prochain tract pour expliquer les enjeux de cet axe dans le détail

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Chaque secrétaire général de ministère est désigné « Référent AP 2022 » par le Premier ministre et le ministère de l’Action publique et des comptes publics. Ce référent a la tâche d’assurer la cohérence et l’animation des travaux du ministère de la Culture sur ces différents volets en lien étroit avec les services du Premier ministre et des comptes publics.

En clair, le secrétaire général doit rester loyal à la ministre tout en étant référant du Premier ministre… !

Le « Forum de l’Action publique »

Lancé début novembre, le Forum de l’Action Publique a pour but d’organiser un débat national sous la forme d’une consultation numérique et de forums territoriaux. Il sera l’occasion d’interroger les Français sur des questions très concrètes comme les horaires d’ouverture, le maillage territorial, l’amélioration des parcours d’usagers mais aussi les parcours professionnels des agents. En réalité, ces forums sont quasi confidentiels et n’autorisent pas un débat démocratique sérieux.

Le « comité d’Action Publique 2022 » – CAP 2022

Il est composé d’économistes, de personnalités qualifiées des secteurs public et privé, ainsi que d’élus. Le Comité d’Action Publique 2022 est chargé par le Premier ministre d’identifier d’ici février 2018 des réformes structurelles et des économies significatives et durables pour la période 2018-2022 sur 21 politiques publiques prioritaires dont la culture. Le comité a une approche globale et toutes les formes d’administrations publiques – administrations centrales, locales et de sécurité sociale – et tous les types de dépenses – budgétaires, fiscales et sociales – rentrent dans le champ d’action dudit comité. Les propositions du comité doivent être chiffrées et participent à la réflexion globale du gouvernement sur les objectifs de réduction de 3 % de la part des dépenses publiques dans le PIB à horizon 2022. Ce qui équivaut à une somme qui est estimée entre soixante et quatre-vingt milliards d’euros d’économie pour les cinq prochaines années.

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Ce qui fait dans le détail :

pour l’État et ses opérateurs, 10 milliards d’euros d’économies à documenter pour 2020-2022 en supplément des mesures qui seront mises en place d’ici 2019 et plus de

37 000 ETP à supprimer sur la même période pour atteindre l’objectif de moins 50 000 ETP sur 2018-2022 ;

Au ministère de la Culture, les suppressions d’emplois pour 2018 sont de 160 ETP et se répartissent de la manière suivante : -25 ETP en DRAC, -60 ETP en administration centrale et -75 ETP en établissements publics. Pour les crédits budgétaires et les dépenses fiscales du périmètre du ministère de la Culture, il faut attendre l’exécution budgétaire 2018 – des collectifs budgétaires sont possibles dans le courant de l’année – afin de connaître avec précision et dans le détail la consommation exacte des crédits, voire les baisses de moyens et leur ampleur.

pour les administrations de la sécurité sociale, un montant d’économies pouvant aller jusqu’à 10 milliards d’euros ;

pour les Collectivités territoriales, 16 milliards d’euros à trouver, dont trois milliards d’euros pour la Société du Grand Paris, et une réduction de moins 70 000 ETP sur la période.

Que dit le Medef :

« Réaliser 110 à 115 milliards d’euros d’économies sur 5 ans afin de réduire le poids de la dépense publique et des prélèvements obligatoires respectivement à 48 % et 40 % du PIB à l’horizon 2022.

« Ne remplacer qu’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite. »

La question du travail, de la démocratie, des carrières et des salaires n’est pas à l’ordre du jour de AP 2022;

c’est un programme de casse du service public

Ensemble, faisons le choix de préparer l’avenir autrement

Vive la Culture et que Vive le ministère de la Culture !

Paris, le 30 janvier 2018