Projet de loi 3D (Décentralisation, Différenciation, Déconcentration) : pas besoin de lunettes 3D pour comprendre

Après la RéAte en 2011,  la réforme territoriale de 2016, la réorganisation des services déconcentrés de l’État en 2018 et 2019, la loi de transformation des services publics, le plan de transformation du Ministère de la Culture… Reprenez votre souffle…. Et comme ça nous manquait en 2020 s’amorce le projet de loi Décentralisation, Différenciation, Déconcentration (3D). Dans sa circulaire du 15.01.20 le premier ministre fixe l’organisation de la concertation sur la répartition et l’exercice des compétences entre l’État et les collectivités territoriales qui a débuté en décembre 2019 et se poursuivra jusqu’au 24 février 2020 (date d’entrée en vigueur de la période de réserve dans le cadre des élections municipales). Cette concertation est confiée aux préfets de région et de département. Le tout sur la base de thématiques prioritaires fixées par le président de la république.

Le projet de loi 3D : une organisation par le dépeçage des missions de l’État

La circulaire est relativement claire : « le projet doit permettre de nouveaux champs de transferts de compétence quand il existe de bonnes raisons d’estimer que la politique publique serait mieux exercée par une collectivité territoriale que par l’État ». Elle précise que lorsque l’État transfère entièrement une compétence à une collectivité locale », alors  » l’État ne doit pas garder des services intervenant dans les champs décentralisés, sinon pour garantir les missions de contrôle administratif et de respect des lois confiées à ses représentants par la Constitution. » Autrement dit lorsque l’État devra se débarrasser de ses compétences il devra également se séparer de son service.

Outre les transferts, elle suggère également de développer la délégation de compétence , les contractualisations, les expérimentations. Sur les deux premières perspectives nous ne sommes pourtant pas en reste sur les expériences menées en matière de transfert (avec les services de l’inventaire) et de délégation de compétences (Bretagne). Ces deux sujets ont même fait l’objet de rapports montrant les conséquences néfastes pour le ministère de la Culture. Mais comme ils sont en marche ils continuent !!!

Le projet de loi 3D : des organisations différentes selon les territoires

Ce projet est défini comme « un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire ». Autrement dit il s’agit de poursuivre des transferts de pouvoir décisionnel vers des entités locales mais différemment en fonction des territoires. C’est ici qu’intervient cette notion de différenciation. Par conséquent, d’un territoire à un autre l’organisation des répartitions de compétences ne sera plus la même. D’un territoire à un autre l’usager du service public ne trouvera pas les mêmes réponses à ses besoins. D’un territoire à un autre, l’agent n’exercera pas de la même façon son métier. Ce projet fait de la différence un modèle d’organisation, ce qui avec la réforme territoriale dans les DRAC était déjà évoqué sous le terme de modularité. Il va même plus loin puisqu’il suggère que le droit puisse s’adapter en proposant notamment que des règles fixées au niveau national le soient aussi par des autorités décentralisées.

En instaurant « un droit à la différenciation », sur la base d’organisations et de règles différentes selon les territoires, le gouvernement acte la rupture d’égalité. Et qu’à cela ne tienne puisqu’il prévoit une révision de la constitution qui proposerait que certaines collectivités exercent certaines compétences que toutes (collectivité) n’auront pas.

L’exemple de la région PACA

Anticipant cette circulaire le président de région de PACA a demandé « tout ce qui est décentralisable, ni plus ni moins ». Il dit avoir abandonné son projet, mais ce dernier fait l’objet d’auditions au Conseil Économique et Social Régional ce vendredi 31 janvier. Le SNSD CGT culture y défendra les missions nationales du ministère et les agents de la Drac. On espère que le ministère fera de même.

Le projet 3D :toujours pas un mot sur ceux qui font les compétences d’un service, les agents.

Encore une fois, l’agent est le grand oublié de ce projet. Pas une ligne sur les conséquences en matière de droit pour les agents qu’ils soient transférés ou délégués. Pas un mot sur les collègues d’administration centrale, qui dans le cadre du PTM perdent leur poste, et envisagent peut-être leur avenir en DRAC, alors que dans le même temps en région le projet 3D fait craindre la fermeture de postes. Et comme les choses sont bien faites, c’est justement à ce moment-là que la loi mobilité, l’affaiblissement des CAP dans leur compétence sur les mutations sont créés.

Le projet 3D : un projet de plus, le projet de trop !

Depuis plusieurs années maintenant nous pouvons définir les méthodes du changement qui s’opère dans nos secteurs : multiplier les projets dans des espaces temps très courts afin de créer la saturation voire l’indigestion ; superposer les projets pour créer la confusion en prenant même le risque des contradictions et de menacer le sens même du service public. Le Premier Ministre s’appuie sur le grand débat national issu du mouvement des gilets jaunes pour justifier ce projet. Il détourne les revendications d’un mouvement qui exigeait surtout le maintien des services publics de proximité et les services de l’État sont parfaitement en capacité d’assurer cette proximité, à condition qu’on lui donne les moyens financiers, techniques et humains. Retenons enfin qu’aucune organisation syndicale n’est invitée à la concertation.

Un autre choix est possible par le renforcement des DRAC et des DAC :

Pour faire vivre les politiques publiques nationales de la culture

Pour faire vivre le réseau national de la culture

Pour faire vivre l’enjeu démocratique et émancipateur de la culture

Pour faire vivre la co-construction des politiques culturelles

Pour renforcer l’expertise des agents des DRAC et des DAC

que vive le ministère de la culture en région et

le travail remarquable de ses agents

SNSD CGT Culture le 29 janvier 2020