À partir du premier septembre, le pilotage de l’enseignement supérieur et de la recherche culture se fera dans le cadre d’un pilotage “unifié” : SDESSR (ex DGCA) et SDESRA (ex DGPA) seront regroupées au sein d’une nouvelle direction, la DGDCER (Direction générale de la démocratie culturelle, de l’enseignement et de la recherche).
La CGT ne nie pas la nécessité des améliorations à apporter à l’existant. Mais la CGT estime qu’il est problématique de définir une politique publique sans analyse de l’organisation actuelle et de ses effets dans les champs artistiques concernés. Deux choses sont incontournables avant toute décision :
- un bilan du fonctionnement et dysfonctionnement du pilotage mis en place lors de la précédente réforme ainsi que du dispositif ministériel dans son ensemble pour déterminer les priorités et points d’application des réformes à conduire, leur portée et leurs objectifs ;
- une analyse des besoins actuels des établissements relevant de l’enseignement supérieur culture (écoles d’architecture, écoles d’art, écoles du spectacle vivant, du cinéma, conservatoires) et des moyens d’y répondre correctement. Les écoles d’art territoriales sont fragilisées par le retrait de leurs collectivités locales, les personnels des écoles nationales d’art sont ignorés. Cette réforme répondra-t-elle à leurs besoins ? Rien n’est moins sûr s’ils ne sont pas consultés.
La conduite du dialogue social sur ce projet aura été chaotique malgré la demande, formulée dès juillet 2024 par les organisations syndicales, d’une étude d’impact permettant d’évaluer les conséquences organisationnelles et en termes de risques psychosociaux (RPS) pour les agents. L’évaluation des risques présentée fin mai ne prend pas en compte les directions amputées dans l’opération (DGPA, DGCA), les impacts dans les écoles ni l’intensification pathogène du travail en administration centrale qui dans l’attente de la rentrée de septembre et de la mise en service de cette nouvelle DG découle de la nécessité urgente d’expédier certains dossiers avant septembre.
Ce rattachement hiérarchique allongera les circuits de validation en ajoutant des échelons hiérarchiques. En outre, les services en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche vont être coupés des fonctions supports (RH, finance, juridique etc…) indispensables à leur fonctionnement avec des effets difficiles à anticiper mais des inquiétudes légitimes sur les conditions dans lesquelles ces services vont pouvoir redémarrer à compter de septembre 2025 (date de mise en œuvre envisagée de la réforme). Comment seront compensés ces liens perdus entre sous-direction de l’enseignement supérieur et leurs fonctions support ? Quelles conséquences sur la rentrée dans les écoles ?
Est-ce qu’on ne pouvait pas préfigurer une nouvelle organisation sans prendre le risque de modifier autorités hiérarchiques et liens fonctionnels, sans avoir à traiter le dossier avec cette précipitation, ni imposer ces risques sur la continuité du service et ce stress pour les personnels.
Sur le fond, la recherche d’une plus grande fluidité de gestion de l’enseignement supérieur culture ne doit pas conduire à délaisser les spécificités de cet enseignement, jusqu’ici garanties par leur rattachement aux différentes directions métiers.
Dans cette mise en œuvre à marche forcée, le CNESERAC et ses élus ont tout autant été niés dans leur expertise et dans leur rôle central.
Seule instance qui réunit spécifiquement les composantes de l’ESRC, nous faisons le constat à chaque réunion des difficultés pour la tutelle à s’emparer véritablement des propositions des membres-experts de cette instance. À l’issue de la réunion “d’information” faite début avril, M. Hurard on nous avait promis une consultation “en bonne et due forme” du CNESERAC sur le sujet : trois mois plus tard, nous sommes convoqués “pour vote” sur des textes finalisés, sans que l’expertise du CNESERAC n’ait jamais été sollicitée sur ces sujets que chacun des élus maîtrise pourtant parfaitement dans son domaine de compétence. Le CNESERAC possède cette qualité inestimable d’articuler des représentants de toutes les composantes de l’ESRC.
Pourquoi ses représentants, qui sont des acteurs de terrain, n’ont-ils pas été sollicités pour alimenter les réflexions sur la réorganisation du pilotage de l’enseignement et de la recherche Culture ? Comment le Ministère qui parle de démocratie, de proximité avec les territoires, de satisfaction des publics, peut-il être à ce point hors sol et descendant, lorsqu’il s’agit de sa démocratie interne ?
L’enseignement supérieur et la recherche Culture, les agents du ministère, méritaient mieux que cette précipitation.
De quoi cette réforme est-elle le nom ou le cheval de Troie ?
Quels effets cette nouvelle organisation aura-t-elle sur les différentes réformes actuellement esquissées dans l’ESR Culture, réformes auxquelles les communautés pédagogiques sont très fortement opposées ? Pour ne citer que :
- la révision des maquettes pédagogiques et de l’enseignement dans les écoles d’architecture (arrêtés de 2005) et les écoles d’art (arrêtés de 2013) qui visent à réduire la dimension professionnalisante de ces cursus à des stages au détriment de l’expertise métier et disciplinaire de leurs enseignants professionnels, praticiens ou chercheurs (équivalent de la récente réforme de l’enseignement en lycée professionnel) ;
- la réduction des moyens financiers et humains dédiés aux écoles et l’augmentation annoncée de leurs effectifs étudiants, imposant un surtravail à des personnels déjà saturés et une course aux ressources propres au détriment des missions de service public ;
- le transfert de gestion des personnels T2 aux écoles sans garantie pérenne de compensation budgétaire de l’augmentation des salaires (Glissement Vieillesse Technicité) et des acquis de leurs statuts. C’est l’équivalent de la réforme Pécresse qui a plongé les universités dans la misère et fait exploser le nombre des intervenants sous-payés.
Les enseignants et étudiants qui alertent sur la dégradation de la qualité professionnelle des cursus qu’entraîneront ces réformes seront-ils entendus par cette nouvelle direction ? Pourquoi détruire des choses qui marchent et ne pas plutôt s’occuper de ce qui ne va plus ?
Quels sont en réalité les besoins des écoles ?
Plus que d’une nouvelle direction pensée une fois de plus sans eux, les écoles ont d’autres besoins :
- Un soutien de l’emploi statutaire pour l’ensemble des corps et des communautés qui assurent les missions pédagogiques et scientifiques dans les écoles : ATS, enseignants chercheurs et Professeurs des écoles d’art (PEN), personnels de recherche,
- Un statut et des conditions de carrière améliorés, adaptés à leurs nouvelles missions pour les enseignants des écoles d’art (PEN et PEA), lamentablement abandonnés par leurs tutelles depuis des lustres,
- La résorption des poches de précarité invraisemblables et la fin de l’exploitation cynique des travailleurs pauvres qui persiste malgré la signature de l’accord Albanel enseignant (NABA)
- Des moyens pérennes à la hauteur des missions portées par les écoles,
- Une structuration réelle de la recherche et de ses moyens, appuyée sur la collégialité de gestion par les pairs conforme à l’éthique académique.
Pour prendre la mesure de ceci, le ministère doit faire preuve de démocratie et s’appuyer davantage sur le CNESERAC, sur une tutelle métiers repensée, l’une et l’autre en prise directe avec les spécificités de leurs disciplines et les attentes de leurs personnels.